vendredi 9 mars 2012

De retour sur l'eau

              Chers tous,

Vendredi, midi, c'est avec comme fond sonore l'appel à la grande prière des muezzins du quartier que nous commençons un nouveau message pour vous donner quelques nouvelles égyptiennes. Cette fois-ci, après le Sinaï et le désert occidental, c'est en Haute-Egypte, c'est-à-dire au Sud du pays que nous vous emmenons. Pendant quelques jours nous avons longé le Nil pour un merveilleux voyage, riche en couleurs, en odeurs et en découvertes. Pas facile de choisir parmi les photos, on voudrait vous les montrer toutes ! Elles rappeleront des souvenirs à tous ceux qui connaissent déjà. Par ailleurs, impossible et loin de nous l'idée d'expliquer par le détail tous les chefs d'oeuvre de l'Egypte antique, donc quelques commentaires suffiront, d'abord pour nous aider à fixer dans nos mémoires, et aussi, qui sait  (la prof se réveille !), pour les élèves de 6ème un peu frustrés car dorénavant l'étude de l'Egypte n'occupe plus qu'une toute petite place dans les programmes, malheureusement !

Mais avant de commencer, nous voulions remercier tous ceux qui suivent régulièrement le blog (et vous êtes nombreux !). Cela nous fait très plaisir de garder ainsi un lien avec vous, et nous sommes contents de partager toutes les belles choses que nous voyons et vivons. Sachez qu'il ne se passe pas une journée sans que nos 4 filles et leurs parents aient une pensée pour tous ceux qui leur sont chers et dont nous sommes éloignés, et pour leur vie "d'avant" !

Alors vive Internet qui abolit les kilomètres, et place aux images !



                                           ABOU SIMBEL

A quelques kilomètres de la frontière soudanaise, en Nubie, environ 1000 km au sud de l'Egypte, Ramsès II a fait édifier vers 1300 av JC deux temples. Ces temples sont très célèbres pour plusieurs raisons : tout d'abord la notorieté de ce pharaon qui a régné 66 ans et est mort, exceptionnel pour l'époque, à plus de 90 ans, les statues colossales à l'entrée du temple (décidément très modeste ce Ramsès), les superbes sculptures et peintures à l'intérieur du temple, et surtout car il a été déplacé de plusieurs dizaines de mètres pour échapper à la montée des eaux du lac Nasser à cause de la construction du haut-barrage d'Assouan (on en reparlera).


L'UNESCO a ainsi sauvé des eaux 14 temples nubiens (plusieurs se trouvent maintenant sous l'eau). C'est Christiane Desroches-Noblecourt qui a insisté pour que la France participe à cette opération fantastique.

 

Un des 4 colosses a perdu sa tête depuis un tremblement de terre dans l'Antiquité, et l'Unesco a choisi de respecter l'aspect du temple.


Le site et ses deux temples sont absolument grandioses, on oublie vite que la colline qui abrite les temples est factice, et à la limite c'est encore plus fascinant quand on pense à tout le travail que cela a représenté de déplacer ces temples.
Nous n'avons vu le temple de Ramsès II que dans l'ombre, car pour se rendre à Abou Simbel il faut se joindre à un convoi qui part d'Assouan (200 km au nord) soit à 4 h du mat, soit à 11 h. Nous n'avons pas eu le courage, ayant eu une très grosse journée la veille, de partir dans la nuit, mais nous le conseillons à tous les futurs visiteurs !

Plus encore que les façades, grandioses, ce sont les sculptures et peintures à l'intérieur des temples qui sont très émouvantes (des gardiens font la chasse au photographe). On aurait pu passer des heures à les contempler, mais il faut rejoindre le convoi !

une photo volée
Ramsès "le Grand" est connu aussi pour ses conquêtes, dans le sud (la Nubie) ou vers l'Est (l'Assyrie).

 

Voici figurés les deux principaux ennemis faits prisonniers, notez les détails dans la physionomie des visages, qui permettent d'identifier facilement leur origine.



Abou Simbel, c'est aussi le "petit" temple dédié à Néfertari, l'épouse préferée de Ramsès II (qui eut de nombreuses concubines, on lui attribue 106 enfants !). Sur la façade, 6 colosse debout, 2 de Néfertari et 4 de Ramsès II. "Ah quand même, c'est un temple pour sa femme, mais il y a plus de statues de lui !" s'étonne (très justement) Violette.
la jambe gauche en avant signifie que la personne représentée est vivante


       Nous rencontrons Carles et Caroline, lui est illustrateur et on est fan de ses magnifiques croquis !


A propos de dessin, on ne résiste pas à l'envie de vous (re)montrer celui de David Roberts, voici Abou Simbel au XIXème s. !


vue sur le lac Nasser (admirez la transition...)


    LE LAC NASSER ET LE HAUT-BARRAGE D'ASSOUAN

                                           ou la découverte que la crue du Nil n'existe plus !

Le lac Nasser est aujourd'hui le plus grand bassin artificiel du monde (500 km de long sur 35 de large en moyenne). C'est un lieu de pêche important pour l'Egypte. On ne se baigne pas à cause des crocodiles nombreux !
Le haut barrage d'Assouan a été construit en complément de l'ancien barrage d'Assouan (lui même surélevé deux fois) construit par les Anglais début XXème  et qui ne donnait pas satisfaction en termes d'efficacité et de sécurité.
Avant la construction de ce barrage, le Nil inondait chaque été les plaines fertiles de la vallée, en raison de l'affluence d'eaux provenant de toute l'Afrique de l'Est. Ces inondations apportaient des nutriments et des minéraux (limon) qui rendaient fertile le sol de la vallée du Nil et permettaient l'agriculture mais l'augmentation de la population dans la vallée rendait nécessaire le contrôle des eaux pour protéger les installations agricoles et les exploitations de coton. Les années de « grandes crues », des récoltes entières étaient perdues, alors que les années où la crue était moindre, la population souffrait de la sécheresse et de famine. Le but de ce projet était de réguler les crues, de produire de l'électricité pour le pays, et de constituer un réservoir d'eau pour l'agriculture.

En 1954, le président égyptien Gamal Abdel Nasser amorça ce projet avec pour objectifs de rendre l’eau disponible tout au long de l’année, d’étendre les surfaces irriguées, d’améliorer la navigation sur le fleuve et de produire de l’électricité. Les Américains ne voulant pas l'aider à financer le projet ( pour éviter que le coton égyptien ne concurrence leur coton), Nasser nationalisa alors le Canal de Suez, dans l'objectif de financer le barrage par les frais de passage. Cet épisode donna lieu à la crise du canal de Suez (1956), qui se termina par l'ordre de l'ONU à la France, la Grande-Bretagne et Israël d'évacuer le territoire égyptien, et donc à la victoire de Nasser. Aussi pour construire ce barrage, l'Égypte chercha à faire partie de la sphère d'influence soviétique et Nasser se tourna vers l'Union soviétique, qui assuma un tiers de la construction et fournit environ 2 000 experts et techniciens. Le haut-barrage fut inauguré en 1970.

Petites précisions pour les scientifiques, le barrage contient douze générateurs électriques de 175 mégawatts chacun développant une puissance totale de 2,1 gigawatts, ce qui en fait un des plus grands barrages du monde. Ce lieu, stratégique, est hautement gardé. Une question : que se passerait-il s'il était attaqué et détruit (par exemple par un voisin malintentionné...) ? Les avis divergent :  pour un guide que nous avons eu, l'eau metterait 3 semaines à atteindre Le Caire, pour d'autres il ne lui faudrait que quelques heures... avis aux experts !


Quels sont les avantages, mais aussi les inconvénients de cet ouvrage controversé ?

Avantages : le barrage régule les crues du Nil ce qui permet un système d'irrigation durant toute l'année (et donc l'intensification de l'agriculture, ce qui amène au final une hausse des rendements, améliore la navigation, et amène à la double récolte,
 l'Egypte a vu ainsi ses terres cultivables augmenter de 30 % (elles ne représentent cependant que 4 % du pays !) , la station hydroélectrique a doublé son alimentation en énergie.

Inconvénients : outre les nombreux monuments antiques noyés, le haut barrage d'Assouan entraîne un certain nombre de problèmes environnementaux.  La digue empêche désormais le flux de vase nécessaire à la fertilité de la vallée du Nil, et l'usage effréné d'engrais artificiels entraîne une salinité accrue des zones agricoles, la hausse du niveau des nappes phréatiques endommage de nombreux monuments en bordure du Nil (le sphinx de Guizeh par exemple), les canaux d'irrigation, désormais remplis en permanence, ont créé un développement endémique du parasite de la bilharziose, énorme problème de santé publique jusqu'à récemment.


vue vers le Nord, vers Assouan

 
PHILAE

Autre exemple d'un temple qui menaçait d'être totalement englouti et qui a été sauvé par l'UNESCO.


le temple d'Isis se trouve sur une île

 Le culte d'Isis à Philae remonte à plusieurs siècles avant JC, mais le temple date de l'époque ptolémaïque (IIIème s av JC). A l'époque romaine, Isis était devenue la plus grande divinité égyptienne, vénerée dans tout l'Empire.
Différents chapiteaux ornent les colonnes de la cour extérieure.

On commence l'initiation à la religion égyptienne et à ses nombreuses divinités. Ici les visages ont été martelés par les premiers chrétiens, qui voulaient effacer ce culte païen. 

une croix copte

 
LE SOUK D'ASSOUAN

Assouan (Aswan) signifie "marchés" ou souks. Dans l'Antiquité, les caravanes de dromadaire venant du Sud transportaient des esclaves, des plumes d'autruche, des pierres précieuses, des peaux d'animaux et autres marchandises destinées à satisfaire les pharaons et leurs dignitaires. Aujourd'hui, Assouan continue à bien porter son nom, avec un souk très actif, dont une partie est plus touristique mais la plupart est avant tout pour les Egyptiens qui y font leurs achats. C'est grouillant, bariolé, odorant, bruyant, on se sent  déjà bien au Sud, on s'est effectivement rapproché de l'Afrique noire. Le marchandage est obligatoire, le vendeur essaie de faire pleurer le potentiel acquéreur, l'acheteur intéressé essaie de limiter les dégâts et au final chacun sort plutôt satisfait de l'affaire...
Allez, c'est parti pour quelques emplettes, ouvrez bien vos narines !
les ballots de coton
                                                                    la canne à sucre

   épices en tous genres, fleurs d'hibiscus séchées (pour faire le karkadé, boisson chaude ou froide très bonne)
                                            cacahuètes grillées, dattes fraîches ou sèches,...

                                               oranges, dattes, fraises, goyaves, bananes,...

                                                                   petits citrons limes

                                                               au bonheur des filles

                                               cannelle, curcuma, coriandre, cumin, safran,...

                                                            il est chaud mon pain !

                                                      on trouve tout ce qu'on veut !

                                                 pigeons (les Egyptiens en sont friands)

                                                  à la sortie de l'école, uniforme bleu marine et blanc


                                BALADE EN FELOUQUE

                                                                ou, enfin de la voile !

Notre skipper est un double champion de régates de felouques ! C'est vrai qu'il manie bien son embarcation. Henry retrouve ses instincts de voileux.

                                                       les matelots ne manquent pas !


         Deux enfants viennent chanter "Alouette" et autre "j'ai du bon tabac" pour gagner quelques sous.


                                                                 Mais qui sont-ils ??
Nous vous présentons Hugues et Clémence, qui habitent depuis 18 mois à Maadi, au Caire et avec qui nous embarquons pour quelques jours sur le Nil. On nous avait donné leur contact, nous avons échangé plusieurs mails avant d'arriver en Egypte et lorsqu'ils nous ont parlé de leur projet de vacances, on s'est dit pourquoi pas ? Astrid en rêvait...  on casse la tirelire pour 3 jours sur un de ces grands bateaux (immeubles plutôt) qui descendent le Nil entre Assouan et Louxor.







                                  CROISIERE SUR LE NIL



C'est sûr que nous n'avons pas forcément une passion a proiri pour ce genre de tourisme de masse, mais toute la famille a bien apprécié ces 3 jours de farniente (quoique certains réveils étaient matinaux pour visiter) dans un cadre très confortable, sans avoir à se poser de question de logistique ou d'intendance, avec un guide francophone, le bonheur ! De plus, les filles ont été ravies de jouer avec Eliot, Maya et Melchior.






                                                                 Soirée galabihya !                                                         
                                        Il y a un garçon dans le lot... Rose a l'air de bonne humeur...


C'est quand même très particulier d'être ainsi dans un univers complétement protégé et aseptisé, à tel point que cela fait un choc, lorsqu'on descend du bateau pour visiter, de retrouver l'ambiance poussiéreuse, sale des rues et d'être sans arrêt sollicités par les vendeurs insistants.
A Esna, nous faisons le tour du temple, deux femmes nous font signe de venir, on commence à essayer de discuter, Astrid prend des photos de leurs enfants, et au moment de partir, le mot qui gâche tout : "bakchich ?" Autre scène choquante : au passage de l'écluse d'Esna, des petits vendeurs balancent des nappes et autres sur le pont et obligent certains touristes à leur acheter.
Il faut dire, on n'en a pas parlé pour le moment, que les visiteurs étrangers sont très peu nombreux depuis la révolution de l'année dernière (une chance pour nous !) et c'est dramatique pour un très grand nombre d'Egyptiens qui vivent du tourisme. Cela explique peut-être cette attitude pénible, intéressée et fourbe, qui empêche de rencontrer vraiment les Egyptiens. Première fois depuis le début du voyage  que nous en venons à limiter les liens avec les habitants du pays que nous visitons. Nous regrettons amèrement les Turcs et les Libanais ! Nous nous rassurons en nous disant que cela concerne uniquement les zones touchées par le tourisme...


          LE JARDIN BOTANIQUE DE LORD KITCHENER

Toujours à Assouan, un petit moment de bonheur au Jardin botanique sur l'île Kitchener, ayant appartenu au commandant de l'armée d'Egypte, un militaire féru de botanique !
Henry en profite pour réviser ses classiques...
Nous ne croisons que des Français, très BCBG d'ailleurs (une pensée pour GP et BM qui apprécient ce genre de visite !).




" ça fait du bien de voir d'autres arbres que des palmiers !" nous disent les filles.


Au loin on distingue le mausolée de l'Aga Khan qui aimait passer l'hiver à Assouan avec la Bégum.



                                 THE OLD CATARACT

Une autre qui aimait hiverner en Egypte est Agatha Christie (comme quoi le tourisme en Egypte est ancien) et nous faisons un petit tour à l'hôtel Old Cataract (repris récemment par Sofitel et superbement restauré) où la romancière aurait écrit une partie de Mort sur le Nil (clin d'oeil à Gwenola !).

                                                                  Gym matinale

              Le Nil est assez large à Assouan avec îles et rochers, le paysage est merveilleux.
                                                      Vue d'une des terrasses du Old Cataract





                                      La salle à manger, grandiose décor de style mauresque.

Henry et Astrid prennent rendez-vous pour leurs 20 ans de mariage (!) et, pour clore la visite d'Assouan, qui nous a énormément plu, un passage au :


                                      MUSEE NUBIEN

La Nubie c'est donc cet espace à cheval entre le sud de l'Egypte et le nord du Soudan. Les pharaons égyptiens ont toujours voulu dominer cette région qu'ils appelaient le pays de Kouch et où il y avait beaucoup de richesses. Mais saviez-vous qu'à une époque où l'Egypte était faible un pharaon originaire de Nubie est monté sur le trône ?
                                                       Une maison traditionnelle nubienne

          L'école, cela rappelle des souvenirs aux filles, qui ne travaillent pas beaucoup en ce moment...


Prochain numéro : la suite de la croisière jusqu'à Louxor !

D'ici là, nous vous envoyons un peu de lumière et chaleur nubienne,

Les 6 en goguette

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