dimanche 10 juin 2012

Palabre en passant des Pouilles à la Calabre, par Didier D.

Henry tient à compléter le titre en disant que pour la contrepèterie, c'est le contraire !


" Ca y est, nous revoilà à bord de Datcha pour un nouvel accompagnement de nos quatre petites filles sans oublier notre bru et notre fils Henry. Tous ont accepté, généreusement que nous venions encore une fois troubler leur tête à tête familial et les encombrer dans leur beau navire. Nous débarquons donc à Split en Croatie et tentons de rejoindre Trogir, ville proche et superbement historique sans trop savoir où se situe le bateau, ce qui nous vaut une promenade nocturne  à pied pour le rejoindre et prendre à bord nos habitudes pas trop oubliées …et le premier pot. Mais le premier départ est un peu raté car l’hélice refuse de tourner ce qui est un peu ennuyeux quand même et nous vaut une longue matinée dans un chantier où un revêche mécano trouve plus ou moins la panne et la répare moyennant un gros chèque, bien sûr. Cela nous donne le temps de nous balader dans cette ville fort touristique car classée au patrimoine mondial, avant un appareillage vers le sud. L’intention du chef étant de traverser l’Adriatique vers une grosse verrue  qui fait une bosse le long de cette côte italienne plutôt plate et longiligne.

Après deux étapes charmantes dans les îles qui abondent du coté croate (dont Hvar que je vous recommande tant le village est pittoresque), nous traversons rapidement la mer,  portés par un bon vent favorable et débarquons dans l’inconnu de cette côte italienne fort galvaudée. Car, en fait, la rive occidentale de la botte italienne avec Rome, Naples, Capri est beaucoup plus renommée, et c’est un tort car le coté Adriatique de cette belle jambe vaut le voyage. La plupart des villes et villages où nous faisons escale se révèlent pleins de ressources et surtout fort attrayants sur tous les plans : bastions et citadelles, rues moyenâgeuses étroites et colorées, maisons anciennes fort bien entretenues… tout est extrêmement typique  et original tout en se refusant à cette tentation trop fréquente de devenir un piège à touristes. Les villes de Vieste, Bari, et surtout Monopoli sont des bijoux architecturaux et, historiques, et on ne comprend pas pourquoi nous les ignorions totalement comme, je pense, la majorité de nos concitoyens. Et que dire de l’intérieur qui se cache encore plus que ces localités du bord de mer plus exposées et plus attirantes…

                                                             Noces à Bari


Les occupations à bord ne sont pas seulement scolaires même si les devoirs et leçons ne sont pas négligés par les filles et leurs parents. Profitons-en pour reconnaitre qu’une année scolaire dans ces conditions parfois précaires  et souvent mouvementées (j’évoque ici bien sûr les mouvements anarchiques du bateau…) tient un peu de l’équilibrisme, même si au long terme les bénéfices d’une telle éducation sur toutes apparaitront indubitablement. On lit énormément, on enseigne les recettes fondamentales du tricotage, de la crapette, de la bataille, voire des échecs, sachant que cet  apprentissage sera d’une utilité foncière dans la vie future ; Il faut dire que le pilotage automatique est un apport considérable pour l’équipage qui n’a plus à se préoccuper de tenir un cap que la machine astucieuse garde bien mieux que le barreur. Mais cela a quelques inconvénients ou dangers car on prend l’habitude de vaquer à diverses occupations sans assez regarder devant et nous avons raté ainsi de peu quelques innocents pêcheurs qui osaient se livrer à leur passe-temps favoris juste sur notre route. Le chant est aussi un loisir auquel, malgré quelques voix éraillées ou timides, l’équipage se livre allégrement. Enfin les repas, sans heureusement  être pantagruéliques ou trop frugaux sont des fêtes gaies et joyeuses qu’ils soient pris dans le cockpit ou dans le carré. Ils  garantissent la survie des silhouettes des membres de cet équipage qui manque d’espace pour exprimer son besoin de dérouillage de ses muscles. Et la cuisinière-navigatrice parvient toujours à respecter les préceptes d’équilibre diététique avec les approvisionnements locaux. Bravo et merci.







A ce stade, un peu de philosophie marine s’impose : Il existe des Ayatollahs de la navigation pour lesquels, la voile, c’est le grand large, les horizons infinis, la solitude seul avec le ciel, les vagues voire les poissons volants. Ces gens là fort honorables au demeurant cohabitent avec les autres dont nous sommes qui apprécient ces traversées que parce qu’elles aboutissent à des cotes, à des ports, à des escales. S’approcher d’une ligne grise, apercevoir les montagnes puis distinguer les phares, l’entrée d’un port  et y pénétrer lentement après avoir préparé le bord pour un accostage ou un mouillage.  Une fois ces formalités accomplies, débarquer soit  en annexe soit sur un quai, reprendre l’usage de ses jambes et le nez en l’air déambuler dans la ville et le village, noter les différences d’avec l’escale précédente, goûter de l’ambiance et de la beauté des lieux, le tout entouré d’un bataillon de petites filles vives et délurées qui attirent l’attention des indigènes et provoquent les commentaires et les sympathies, c’est cela aussi la navigation…..


Monopoli donc. Nous y avons fait une longue escale, deux nuits et sommes tombés en pleine fête de Saint Côme qui a excité la ville pendant deux nuits tant sur le plan festif que religieux. Une longue procession animée par une demi-douzaine de confréries en uniformes colorés et par deux fanfares comme on n’en voit plus sous nos latitudes chemine lentement dans les rues principales devant une foule de spectateurs attentifs et dévots qui se signent à leur passage. Les églises sont pleines de gens de tout âge qui frôlent le vêtement recouvrant les statues de saints d’un air extasié et se congratulent à voix forte car, bien sûr tout le monde se connait. Et la fête, laïque et populaire cette fois, rassemble les mêmes personnes à l’issue de leurs dévotions et brasse une foule énorme. Toute la ville (50 000 habitants parait il ) est là, heureuse, bruyante, méditerranéenne, c'est-à-dire peu soucieuse de ne pas bousculer ou se marcher sur les pieds.



De Monopoli, le train nous mène en moins de deux heures à Lecce, chef lieu des Pouilles et ville superbe où nous déambulons sous un soleil de plomb. Tout le monde sait que le métier de touriste n’est pas de tout repos et il ne fallait pas repartir (car qui sait si un jour nous y reviendrons) sans tout voir et admirer. Mais on retrouve le train puis le havre du bateau avec plaisir car cette escapade non maritime s’est révélée assez exténuante sauf pour Rose, la benjamine qui pète le feu plus que jamais.






                                    des lauriers-roses !
On longe ensuite la côte italienne des Pouilles jusqu’au talon de la botte ,S.Maria di Leuca qui est 

un lieu de pèlerinage

mais aussi de villégiature

puis on traverse le coup de pied  de cette chaussure un peu spéciale quand même pour se propulser par temps hyper calme (sans un poil de vent, mer d’huile donc au moteur…) jusqu’à Crotone cité historique (décrite à l'aller par Astrid) où nos routes vont à nouveau se séparer. Nous allons donc refaire nos sacs et débarquer comme tout marin relevé à l’escale prévue. Gros regret de part de d’autre. Du nôtre, c’est évident tant cette croisière de onze jours s’est révélée harmonieuse, profondément joyeuse et heureuse De l’autre coté, faut il interpréter ainsi les larmes des filles tristes de voir disparaitre leur petite mère ? Mais il faut bien partir, c’est la vie comme la chanson « quand on a descendu les marches d’un escalier, avant d’les redescendre, il faut les remonter… ». Quand même, partir, c’est mourir un peu…

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